Guelmin-Tarfaya

31.12.2018
J’arrive à Guelmim et quelqu’un m’adresse la parole au moment-même où je veux m’installer dans un café.

Je prends place à une table et réponds avec patience à toutes les questions habituelles au sujet de mon voyage. Un deuxième homme se joint à nous. Sa peau est tannée par le soleil, il porte un turban noir et a un visage sympathique. Aziz est bédouin et marchand de chameaux. Nous discutons un moment. Il parle étonnement bien allemand. Il semble que beaucoup de nomades mènent une double vie entre la vie moderne et celle de nomade. Il m’explique qu’il aime être dans le désert mais qu’il a aussi étudié à l’université. Et il veut m’emmener samedi au marché de chameaux qui fait la réputation de Guelmin.

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A ce sujet, il faut savoir que Guelmin a été pendant longtemps la porte du désert. En effet c’est la dernière grande ville avant Tombouctou et point de départ pour le commerce avec le Nord. La famille royale a ses origines ici et beaucoup d’évènements historiques importants ont leurs racines dans cette ville. La ville-même n’est pas particulière, on n’y trouve ni monument ni trace historique.
A ma surprise, un Européen vient s’asseoir à notre table. Jakob, 32 ans, vient d’Autriche et est un « nomade à vélo » tout comme moi. Il réfléchit à rouler vers la Maurétanie car son visa pour le Maroc touche à sa fin.
Nous échangeons nos numéros de téléphone et je prends le chemin du camping. Il se trouve à Tinghir à 18 km d’ici, dans une oasis et il est très bien entretenu. Trois grandes tentes de bédouins en étoffe et dont le sol est couvert de tapis sont à disposition des campeurs comme pièces communes.

IMG 3148 Je prends une chambre pour les 2 premières nuits. Une douche fait un bien fou après si longtemps. Enfin, je peux charger les batteries de mes appareils, mettre de l’ordre dans mes affaires et me procurer ce dont j’ai besoin pour la suite de mon voyage. Je peux même faire la lessive grâce à une machine à laver quasi antique. Il n’a pas plu pendant plusieurs semaines et l’eau de source qu’ils utilisent ici est brune. L’employé du camping m’explique que ce n’est pas un problème. En effet, mes vêtements ressortent malgré l’eau brune assez propres de la vieille machine. Seul mon beau t-shirt blanc Rocki a depuis une couleur légèrement brune.
Le propriétaire du camping Aiin Nakhla a vécu longtemps en Allemagne. Il offre un service impeccable et prend le temps de causer avec ses clients.

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Le lendemain, je retrouve Jakob et nous décidons de faire la route ensemble jusqu’en Maurétanie. Il s’installe aussi au camping et profite de visiter la région pendant que je passe des heures à écrire le résumé de ma dernière étape, à mettre mon site à jour, à trier des photos et mettre en ordre mon équipement.
Le soir, nous dégustons un tajine et parlons de choses et d’autres avec le propriétaire.
Samedi est le jour du marché de chameaux. En fait c’est un grand souk dominé par les stands de marchands de légumes et de viande. L’époque où des milliers de chameaux étaient vendus et achetés ici est passée depuis bien longtemps. Aujourd’hui, il y a environ 50 chameaux mais les acheteurs discutent et marchandent plutôt le prix des chèvres qui attendent couchées sur le sol avec les pieds attachés.

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Je retrouve Aziz et il me montre différentes choses concernant les dromadaires, par exemple le fer avec lequel il marque ses propres chameaux. Nous passons beaucoup de temps à discuter soit en français, en allemand, en anglais ou encore en arabe. C’est passionnant, ce qu’on apprend ici en écoutant tout simplement les gens parler de leur vision du monde. Je ne comprends pas tout mais je me rends toujours plus compte des préjugés et de l’ignorance qui règnent dans le monde de l’ouest. Tout particulièrement en ce qui concerne l’Islam. C’est dommage parce que le monde serait meilleur si les hommes prenaient le temps de s’écouter les uns les autres au lieu de se juger et de se condamner mutuellement.
Le soir au camping, nous mangeons un grand tajine de viande de chameau. C’est délicieux et on peut faire la différence entre 3 qualités principales : La viande a la consistance et un goût semblable à la viande de bœuf, la graisse sent extrêmement le chameau et les jarrets ressemblent à de la dinde mais ils sont tellement durs qu’on doit les couper en tout petits morceaux. « - Une spécialité ! » m’informe quelqu’un.
Cette nuit aussi, nous restons longtemps à discuter, nous avons le temps…
Le lendemain, Jakob et moi prenons notre départ. Nous décidons de ne pas suivre la N1 mais de prendre une piste qui suit la côte, la P1300. Après environ 60 km sur une route asphaltée qui traverse un paysage aride avec des collines, nous atteignons finalement la piste. Nous rencontrons un gendarme et en profitons pour lui demander de l’eau. Il se réjouit de voir quelqu’un.

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Au début, la piste est agréable mais avec le temps, elle devient pierreuse et finit par disparaître littéralement dans le sol. La piste traverse le lit d’une rivière presque asséchée. Le sol est sablonneux, il y a des buissons et la pente est raide. Nous avançons péniblement avec nos vélos lourdement chargés. Il coule encore un peu d’eau et l’endroit est magnifique. Nous décidons de dresser notre campement. Le ciel étoilé et le paysage nous récompensent largement.
Le lendemain, nous devons remonter la pente raide sur l’autre penchant. Ce n’est pas facile de progresser entre les pierres et les trous mais nous espérons qu’au sommet la piste sera meilleure. Quelle déception de constater que la piste est la pire que je n’ai jamais rencontrée. Au milieu de nulle part, entre buissons et pierres, on ne voit ni l’Atlantique ni village où nous pourrions trouver de l’eau. A travers le paysage se dessine une piste pierreuse et bosselée. Chaque pierre provoque un nouveau choc et secoue mon vélo. Je crains que mon équipement n’en prenne un coup. Tac, tac, tac, tac, aïe. Tac, tac, tac, aïe. Seulement 35 km pour aujourd’hui et un pneu plat ! Heureusement. Nous rencontrons 2 camions 4x4 et les occupants nous donnent de l’eau.

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Au bout d’un moment, la piste redevient plus sablonneuse et nous retrouvons la rivière asséchée qui nous ramène vers la N1. Nous installons notre campement pour la nuit. Malheureusement, la clarté de la lune et les nuages nous empêchent de bien voir les étoiles.
Nous n’étions qu’à 7 km de la route principale et je suis heureux de retrouver l’asphalte. Jusqu’à Tantan, il y a beaucoup de colline et les montées et descentes se succèdent. La route semble se prolonger à l’infini tandis que sur la gauche les derniers contreforts de l’Atlas disparaissent lentement. Les pierres deviennent de plus en plus petites. Ne trouvant pas de place de camping, nous poursuivons notre route vers Ouatia. Bien que nous ne soyons qu’à mi-chemin, nous devons faire halte car le soleil se couche.

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